Les grossesses arrêtées représentent ces accidents spontanés, qui signent la fin prématurée d’une grossesse parfois déjà très investie. Elles restent malheureusement un sujet que l’on évoque à peine, avec ses parts d’ombres, alors voici quelques informations pour vous permettre de mieux les comprendre et les vivre le cas échéant.
Une grossesse arrêtée, qu’est-ce-que c’est ?
Il s’agit d’un arrêt spontané d’une grossesse en cours. C’est-à-dire que, pour l’une des raisons que nous développerons par la suite, la grossesse qui a débuté dans l’utérus va cesser son développement, de façon naturelle.
Grossesses arrêtées : à quel stade de la grossesse ?
- Grossesses arrêtées précoces : Elles se produisent avant la 14ème semaine d’aménorrhée (14 semaines d’aménorrhée ou 12 semaines de grossesse). Certaines peuvent même passer inaperçu, puisqu’elles surviennent dans les tous premiers jours, et être ainsi assimilées à des règles un peu retardées. Ces fausses couches compliqueraient un peu plus de 10% des grossesses. Il s’agit donc d’un phénomène que l’on qualifie de fréquent dans le domaine médical, mais cela signifie aussi que la très grande majorité des grossesses se poursuivent bien !
- Grossesses arrêtées tardives : Bien plus rares (moins d’1% des grossesses), elles ont lieu entre la 14ème et la 22ème semaine d’aménorrhée., le bébé s’est donc déjà bien développé. Au delà de 22 SA, on ne parle plus de fausse couche mais d’accouchement prématuré pour qualifier l’expulsion du fœtus.
Pourquoi surviennent elles, et peut-on les prévenir ?
Dans la plupart des cas, les grossesses arrêtées sont le résultat de phénomènes naturels que l’on ne peut maîtriser. Dans d’autres cas, plus rares, une certaine prévention peut en diminuer le risque de survenue.
- Les anomalies du développement de l’embryon concernent la majorité des causes de fausses couches : dans la grande loterie génétique, il arrive certains incidents à des étapes clés de la formation d’un embryon qui, s’il est non viable, s’arrêtera naturellement d’évoluer.
- Il existe aussi le cas particulier de « l’œuf clair » : les membranes et le placenta se développent, mais sans qu’un embryon ne se soit formé. Les hormones de la grossesse sont donc bien présentes (test positif et symptômes ressentis), mais elle n’évoluera malheureusement pas.
- Les facteurs liés à la santé de la mère peuvent aussi influer sur l’évolution d’une grossesse : les maladies chroniques préexistantes mal équilibrées (comme le diabète gestationnel, l’endométriose, l’hypothyroïdie, les troubles de la coagulation, les problèmes hormonaux) ou les anomalies de l’utérus et du col. Il s’agit alors de prévoir un suivi médical adapté en amont afin de stabiliser la maladie en question, et préparer une grossesse dans les meilleures conditions possibles.
- Enfin, certains facteurs extérieurs sont à l’origine d’une augmentation des risques de grossesses arrêtées : la consommation de drogues, d’alcool et de tabac par exemple (des équipes spécialisées dans ces problématiques existent, n’hésitez pas à les contacter si vous vous sentez en difficulté sur ces sujets). C’est aussi le cas de l’excès de caféine/théine (gardez le plaisir de votre café du matin s’il vous est indispensable, mais essayez de diminuer dans la journée, et passez à la tisane le soir !)
- À l’inverse, contrairement à certaines idées reçues, une activité physique régulière et adaptée (on évite l’haltérophilie et l’ascension du Mont-Blanc par exemple) s’associe à une diminution des risques de survenue d’une fausse couche. Si vous en avez l’habitude, ne vous privez pas de vos séances hebdomadaires ! Et si le sport ne faisait pas partie intégrante de votre quotidien : marchez ! Cette habitude se révèle très bénéfique tout au long de la grossesse.
Les (rares) cas de grossesses arrêtées à répétition
Le hasard, parfois rude, peut frapper plusieurs fois au même corps sans que l’on s’explique pourquoi. Cependant, au-delà de 3 grossesses arrêtées il est recommandé de rechercher une cause éventuelle à ces tristes répétitions : Existe-il une pathologie qui pourrait expliquer ces récidives ? Plusieurs bilans sanguins et examens seront entrepris afin de trouver des réponses et vous proposer une prise en charge adéquate.
La fausse couche : comment savoir ?
Les symptômes de la fausse couche : quand le bal des hormones peut vous jouer des tours …
Les fameux symptômes de début de grossesse … très inégalement partagés par les femmes, il reste difficile de s’y fier complètement ! Cependant, les symptômes les plus couramment décrits lors d’une grossesse arrêtée sont les suivants :
- Les saignements : de faible ou forte abondance, rouges, rosés, ou bruns, fluides ou sous forme de caillots (petites masses de sang coagulé).
Attention :
En cas de saignements abondants (= protection rapidement imbibée avec obligation de la changer plusieurs fois dans la ½ heure) : faites vous accompagner aux urgences, ou contactez les secours pour y être emmenée rapidement.
- Les douleurs pelviennes, synonymes de contractions utérines, qui peuvent s’apparenter aux douleurs ressenties parfois pendant vos règles.
- La disparition soudaine de symptômes francs comme la nausée ou les douleurs mammaires.
Attention, ces symptômes peuvent aussi bien survenir lors du déroulement normal de votre grossesse, et de même certaines fausses couches ont lieu silencieusement… alors comment s’y retrouver, et quel examen permet d’être rassurée, ou malheureusement révéler un arrêt de grossesse ?
Le diagnostic établi d’une grossesse arrêtée
L’échographie endovaginale (échographie qui se fait grâce à une sonde introduite dans le vagin) permet de localiser une grossesse dans l’utérus, de la dater, et aussi de détecter le plus précocement l’activité cardiaque de l’embryon dès les premières semaines et donc son absence le cas échéant. C’est grâce à cet examen, répété sur plusieurs jours si besoin, que l’on peut déterminer s’il existe une grossesse en cours et si elle évolue ou non.
En cas de doute lors cette échographie, notamment si la grossesse n’en est qu’à ses prémices, on peut aussi comparer l’évolution d’une hormone de la grossesse (appelée bêta-hCG) grâce à une série de prises de sang qui s’effectuent à 48 heures d’écart, afin de savoir si celle-ci se poursuit ou non. Les dosages doivent être effectués dans le même laboratoire, pour une meilleure fiabilité des résultats.
Bon à savoir :
L’échographie endovaginale permet de mesurer le col de l’utérus, visualiser l’utérus et les ovaires. Elle se fait à l’aide d’une sonde allongée et arrondie, d’un diamètre inférieur à 2 cm, recouverte d’une protection en latex semblable à un préservatif et enduite d’un gel d’échographie (froid !). Vous serez installée en position allongée ou légèrement relevée, avec les genoux fléchis, et la sage-femme ou le gynécologue insèrera la sonde délicatement dans le vagin et la déplacera légèrement afin d’obtenir des images de l’utérus sous différents angles. Cet acte requiert évidemment votre adhésion et votre consentement.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à télécharger l’application May. Vous pourrez accéder à une messagerie avec des sages-femmes qui vous répondent 7j/ 7 de 8h à 22h.
Et concrètement, que se passe-t-il quand on vit une grossesse arrêtée ?
Quelle prise en charge médicale ?
Une fausse couche peut être spontanée : dans ce cas, la grossesse se termine d’elle-même et vous pouvez subir des contractions utérines et saigner plus ou moins abondamment. Il est conseillé de réaliser une échographie dans les suites de cet événement afin de vérifier que l’utérus est bien vide et que la fausse couche est complète.
Si l’on diagnostique qu’une grossesse s’est arrêtée précocement à l’échographie, on préfère ne pas attendre que la fausse couche ait lieu spontanément (car cela peut durer, et imposer de toute façon une intervention) donc deux options peuvent vous être proposées :
- Le traitement chirurgical : tout comme une interruption volontaire de grossesse (avortement), il consiste en une aspiration de l’œuf dans l’utérus. Cette opération se déroule au bloc opératoire, sous anesthésie locale ou générale. Dans la grande majorité des cas, cela ne nécessite pas une hospitalisation.
- Le traitement médicamenteux : administré par voie vaginale, il a pour but de provoquer des contractions de l’utérus afin d’évacuer l’œuf. Un contrôle échographique une dizaine de jours après permet de vérifier que la fausse couche a été complète. Si ce n’est pas le cas, on peut à nouveau proposer l’une de ces deux méthodes.
Que votre fausse couche se soit déroulée spontanément, ou qu’un traitement ait été nécessaire, n’hésitez pas à demander des anti-douleurs, et à ce qu’un arrêt de travail vous soit prescrit dans ses suites si vous en ressentez le besoin. Humblement, nous, professionnels de la périnatalité, devons reconnaître que la prise en charge est encore très insuffisante et parfois traumatisante pour vous. Espérons que les progrès soient rapides et majeurs dans les mois ou années à venir.
Rassurez vous sur un point : les risques de celles-ci restent minimes, et la fertilité ultérieure identique (pas d’augmentation des risques d’infertilité). Les grossesses arrêtées peuvent en revanche laisser une trace psychologique, car une grossesse qui s’arrête, même précocement, ce n’est jamais anodin. Nous vous recommandons de vous entourer d’une personne de confiance, afin de ne pas rester seule face aux sensations et sentiments que vous vivrez.
« Fausses »-couche , vraies blessures : comment vivre l’après ?
Les conséquences physiques d’une grossesse arrêtée restent très souvent anecdotiques et si vous envisagez un nouveau projet de grossesse dans ses suites immédiates, le corps médical vous engage à le mener à bien. En revanche, l’impact psychologique d’un tel vécu n’est pas anodin : la dépression et l’anxiété constituent des symptômes fréquemment décrits, et une prise en charge de cette dimension semble primordiale.
Il s’agit pour beaucoup d’entre vous de faire le deuil d’une projection, qui concerne souvent une grossesse invisible aux yeux des autres, rendant les confidences plus délicates. Vous pouvez passer par de multiples ressentis, tous légitimes, qu’il s’agisse d’apathie, de colère, d’incompréhension, de profonde tristesse, ou d’isolement. Ne restez pas seule face à ces sentiments :
- Entourez vous notamment d’une équipe médicale et para-médicale en laquelle vous avez confiance (médecin gynécologue, sage-femme, psychologues) pour assurer votre suivi.
- N’ayez pas peur de vous confier à votre entourage, vous trouverez peut-être l’oreille attentive d’une amie au même vécu.
- Si ce cercle proche vous semble trop maladroit ou que vous confier à eux vous gêne, il existe aussi des groupes de paroles, et notamment l’association Agapa qui accompagne les patientes ayant subi une grossesse arrêtée.
- Par ailleurs, des femmes témoignent de plus en plus via les réseaux sociaux ou des podcasts, permettant de sortir du silence qui entoure traditionnellement ces pertes. Vous pouvez par exemple regarder @mespresquesriens ou écouter @aurevoir.podcast.
Et pour finir : prenez soin de vous et votre corps, en lequel il s’agira de reprendre une pleine confiance. Et n’hésitez pas à extérioriser votre douleur si cela vous aide : écrivez, dessinez, dansez, élaborez petits et grands projets, bref allez de l’avant ! 😉