L’interruption médicale de la grossesse désigne une grossesse dont on a malheureusement choisi d’arrêter le cours pour une raison médicale, qu’elle concerne la mère, le fœtus, ou bien les deux à la fois. Elle peut avoir lieu jusqu’au terme de la grossesse. Différente de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), des fausses couches (FC) ou de la mort fœtale in utero (MFIU), elle est aussi de ces tristes scénarios des accouchements du silence, encore très tabous.
Qu’est ce qui peut orienter vers la décision d’une IMG au cours d’une grossesse ?
Un diagnostic à une échographie de routine, des examens complémentaires qui annoncent le pire, une urgence maternelle … et la grossesse peut prendre un tournant dramatique et vous mener à prendre une décision cruciale, avec le soutien de l’équipe médicale que vous aurez choisie.
La détection d’anomalie, le plus souvent au cours d’une échographie de routine
La plupart du temps, c’est une anomalie à une échographie de routine (et notamment l’échographie du 1er trimestre) qui devient le point de départ d’une inquiétude du corps médical, qui vous orientera alors vers des examens complémentaires pour confirmer ou non ses doutes. C’est une attente anxiogène qui débute, avant les résultats pouvant faire basculer le cours d’une grossesse déjà souvent investie …
Vous serez alors idéalement pris en charge par une équipe spécialisée, dite du « diagnostic anténatal », à laquelle il ne faut surtout pas hésiter à poser ses questions, demander à reformuler quand tout n’est pas clair dans ce vocabulaire parfois violent, et exprimer ses angoisses pour ajuster le suivi au mieux selon votre situation.
Mon conseil de sage-femme :
Beaucoup d’entre vous se retiennent d’investir leur grossesse dans cette attente, par peur de trop s’attacher « pour rien », mais peut-être que pour se détacher dans la sérénité plus tard, il faut s’être attachée sincèrement en amont …
Des examens complémentaires
Les examens que vous pouvez subir vont de la « simple » prise de sang (comme celle prescrite pour le dépistage d’un risque de trisomie 21), à une échographie plus spécifique (du cœur de votre bébé par exemple), ou une amniocentèse, et ajoutent du stress dont on se serait bien passé enceinte …
Mon conseil de sage-femme :
Lors de l’attente de ces examens décisifs, ou de leurs résultats : faites vous accompagner sur le plan psychologique si vous en ressentez le besoin, et/ou n’hésitez pas à vous confier à des proches de confiance pour obtenir tout le soutien nécessaire à cette période en suspens.Ce que ses examens multiples cherchent à dépister sont les malformations sévères, les anomalies chromosomiques, une maladie génétique, ou une infection grave dont pourrait souffrir le fœtus que vous portez, et qui conditionneraient (ou condamneraient) son avenir …
Dans d’autres cas, sans qu’une pathologie fœtale particulière ne soit décelée, la poursuite de la grossesse semble malgré tout très sérieusement compromettre son devenir. C’est ce qu’on constate lors d’un retard de croissance très sévère précoce, ou de rupture très prématurée de la poche des eaux, deux situations qui empêchent le bon développement du fœtus, et peuvent également compromettre la santé de la mère si la grossesse se poursuivait.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à télécharger l’application May. Vous pourrez accéder à une messagerie avec des sages-femmes qui vous répondent 7j/ 7 de 8h à 22h.
L’urgence maternelle
Dans d’autres cas, bien plus rares, c’est justement la santé de la mère qui impose qu’on interrompe la grossesse malgré un terme très prématuré. On parle d’IMG « pour sauvetage maternel », quand on ne peut se permettre d’attendre un terme de viabilité de l’enfant à naître pour prendre en charge sa mère, avant que sa vie à elle ne soit en jeu.
Il peut s’agir d’une pathologie liée à la grossesse et qui dégénère sans qu’on puisse la stabiliser (comme c’est le cas de pré-éclampsie sévère et précoce par exemple). Il peut aussi s’agir d’une maladie sans rapport avec la grossesse, mais qui se déclare pendant ses premiers mois, et impose qu’elle s’arrête pour qu’on puisse traiter la mère correctement (cancers invasifs, détresse psychiatrique majeure, infection sévère à Covid 19, etc.).
Comment cette lourde décision est-elle finalement prise ?
Une demande formulée par la femme ou le couple
L’IMG découle toujours d’une demande de la femme ou du couple, suite à une information par le corps médical. Suite à cette demande formulée, le dossier doit être discuté au cours d’une réunion d’un CPDPN. Le CPDPN est un Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Pré-Natal qui a vocation à aider les équipes médicales et les couples dans la prise de décision et le suivi de la grossesse lorsqu’une malformation ou une anomalie fœtale est détectée ou suspectée.
En cas de pathologie foetale
En cas de « forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une pathologie d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic » (anomalie chromosomiques comme la trisomie 21, malformations cardiaques sévères, syndromes, etc.) le CPDPN peut délivrer une attestation de gravité permettant de mettre en place le protocole de l’IMG, si cela correspond au souhait des parents.
En cas de pathologie maternelle
Si « la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme » , à la demande de la patiente, une concertation pluridisciplinaire doit réunir au moins 4 personnes dont un gynécologue obstétricien de CPDPN, un médecin spécialiste de la pathologie maternelle, un médecin choisi par la patiente et un assistant social ou psychologue. Cette concertation peut aboutir à une décision d’IMG si deux des médecins délivrent une attestation de gravité.
Le délai de réflexion
En l’absence d’urgence maternelle, il reste **important de respecter un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de réaliser une IMG**. Bien évidemment, ce délai peut être allongé à votre guise, et ce jusqu’au terme de la grossesse si c’est le temps qui vous semble nécessaire pour mûrir cette réflexion ou revenir dessus. Cette décision vous appartient à vous, parents de cet enfant pour lequel vous vous inquiétez déjà. Vous n’avez aucune culpabilité à avoir dans un sens comme dans l’autre, et personne n’a le droit de vous juger.
Des questions essentielles
Un accompagnement psychologique vous sera systématiquement proposé en couple, et séparément. Si vous en ressentez le besoin, foncez. Les équipes sont formées à ces situations, et peuvent devenir de véritables alliés dans ce parcours douloureux.
C’est avec elles / eux que vous pourrez discuter de beaucoup de sujets sensibles liés à cette décision et réfléchir à toutes ces questions auxquelles il faudra répondre :
- Donner un prénom et un nom à votre bébé, ou non
- Voulez-vous voir votre bébé à la naissance ?
- Souhaitez-vous prendre en charge ses obsèques (déclaration à l’État Civil obligatoire dans ce cas) ou le confier à l’hôpital ?
- Donnez-vous votre accord pour que soit réalisée une autopsie, une radiographie, et/ou des analyses sur le placenta ?
- Souhaitez-vous le déclarer à l’État Civil ?
- Avez-vous besoin de rencontrer un représentant du culte religieux (laïc engagé ? rabbin ? prêtre ? imam ?…) ?
- Quels sont vos droits sociaux après l’accouchement qui va suivre, selon votre situation ?
Rassurez-vous : vous n’êtes pas obligés de décider de tout ça avant le jour J, et les équipes médicales sauront vous conseiller, et surtout suivre votre rythme de parents. Ces décisions importantes peuvent paraître vertigineuses après une telle annonce, et mûrir pendant plusieurs jours. Jusqu’à celui de l’accouchement si besoin ! Prenez le temps nécessaire, et respectez votre cheminement de parents.
Soyez assurés que les équipes de la maternité sauront vous entourer avec le plus de bienveillance possible, et respecteront les choix qui seront les vôtres.